Déclaration liminaire de la FSU au CAEN du 15 novembre 2017.
Depuis l’installation du nouveau gouvernement, une avalanche de mauvais coups se déverse sur le monde du travail en général et les agents publics en particulier. Faisant fi de l’abstention, véritable « vainqueur » des élections du printemps, le Président de la République et son gouvernement font comme si un fort vote d’adhésion les avait portés au pouvoir. Toute la communication autour du renouvellement du personnel politique et de l’ouverture à la « société civile » ne résiste pas à l’examen des faits : la composition de l’Assemblée Nationale, en particulier de la majorité, a rarement connu pareil concentration en chefs d’entreprise, cadres supérieurs et professions libérales. À ceci s’ajoute une méconnaissance des règles élémentaires de la démocratie pour un grand nombre d’entre eux, qui se soumettent sans hésitation aux consignes de
vote de leur groupe. Ce cocktail permet donc au gouvernement d’avancer sans entrave pour développer une politique en faveur des plus riches et au détriment des classes sociales moins favorisées.
Dans notre secteur, le choix de supprimer massivement les emplois aidés en est l’illustration flagrante. Ainsi, dans l’académie, ce sont 839 contrats supprimés pour l’Éducation nationale sur 2213. Profitant de la torpeur de l’été pour effectuer son annonce, le gouvernement a décidé de s’attaquer aux personnes les plus précaires, et donc les plus fragiles. Cette décision est un scandale social. Utilisant des arguments fallacieux, la ministre du Travail en tête a voulu faire croire que leur disparition serait sans douleur pour les services. Quel mépris pour ces personnes qui, bien souvent, ont été employés pour assurer des besoins permanents du service public, notamment dans les services administratifs, en vie scolaire ou pour l’assistance aux directions
d’école ! Si nous n’avons jamais soutenu ce type de contrat, nous avons toujours dit que les besoins permanents du service public devaient être assurés par des fonctionnaires et que, par conséquent, il est impératif de mettre en place des dispositions pour titulariser ou pérenniser ces personnes sur un emploi.
Si la priorité donnée à la scolarisation des élèves handicapés permet à certaines d’entre elles de continuer à bénéficier d’un contrat aidé, la FSU continue à demander la création d’un corps d’AESH, seul à même de pouvoir assurer formation, qualification et stabilité pour l’aide à la scolarisation des élèves en situation de handicap.
Enfin, l’impasse demeure totale au niveau des services techniques de nos établissements publics – à titre d’exemple signifiant, ce ne sont pas moins de 222 agents en contrat aidés (dont 58 pour les seuls lycées agricoles) qui vont se voir non reconduits par le Conseil Régional Centre, faute de moyens, à compter de janvier. Cette situation, si elle devait se confirmer, amènera à la dégradation des conditions de travail de nos collègues ADL, pourtant déjà largement éprouvés, et pour tout dire
au blocage quant au fonctionnement de nombre de lycées et lycées agricoles de notre région.
Monsieur le Préfet, cette situation de rupture annoncée de la continuité du service public est proprement insupportable et nous vous saisissons avec toute la solennité propre au CAEN afin que le gouvernement apporte au plus vite de vraies réponses quant aux besoins bien réels de nos établissements, de nos communautés de travail et de nos usagers.
Autre mauvais coup, cette fois porté aux fonctionnaires : l’annonce du report d’un an de la mise en œuvre du protocole PPCR. En attendant un autre report ? La FSU avait décidé de signer cet accord, malgré des faiblesses comme l’étalement du calendrier, car elle estimait que ses dispositions profiteraient à l’ensemble des agents. Nous dénonçons d’autant plus aujourd’hui le report que les agents les plus durement touchés sont ceux des catégories B et C, c’est-à-dire les plus bas salaires de la Fonction Publique et en même temps, il décale d’autan le passage en
catégorie A des assistants sociaux. Ajouté au rétablissement du jour de carence, mesure mesquine, méprisante, inefficace et injuste, il est clair que la politique conduite est une attaque en règle contre les fonctionnaires.
En outre, l’augmentation de la CSG ne sera pas complètement compensée. Cela marque un renoncement à une promesse de campagne du candidat Macron qui avait assuré que cette hausse conduirait à une augmentation du pouvoir d’achat pour l’ensemble des salariés. Il est vrai que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Au-delà, l’augmentation de la CSG et la suppression des cotisations sociales qui l’accompagnent sont une attaque contre la Sécurité Sociale, car la fiscalisation croissante de ses recettes vise à en déposséder les travailleurs.
Concernant l’Éducation Nationale, le budget 2018 affiche en apparence ni création ni suppression de postes. Dans un contexte où le Gouvernement renoue avec le dogme de la diminution du nombre de fonctionnaires, on pourrait s’en satisfaire. Ce n’est pas le cas, car le gain de postes dans le 1er degré pour financer les CP et CE1 à 12 élèves en REP+ se fait clairement au détriment du 2nd degré et des personnels administratifs qui perdent plus de 3000 emplois. Les 2600 suppressions dans le 2nd degré sont présentées comme indolores. C’est un mensonge ! En effet, ce seront 2600 postes aux concours en moins qui représente l’équivalent de 1800 temps plein
devant élèves. Les conséquences sur le recrutement seront désastreuses, car on sait que le nombre de présents dépend du nombre de postes. La crise du recrutement va donc s’amplifier. En outre, c’est nier la poussée démographique que connaît le 2nd degré, notamment en lycée. Nous aborderons tout à l’heure la construction de deux nouveaux établissements. Est-on sûr de disposer des enseignants ?
Le budget de l’enseignement agricole public est au diapason, celui-ci continuant pourtant de ne pouvoir accueillir l’ensemble des élèves et étudiants qui en font la demande…
À propos de la réforme du baccalauréat, nous rappelons notre attachement à un examen terminal, premier grade universitaire, organisé en priorité autour d’épreuves communes et anonymes. Le CCF ou les ECA doivent rester limités à des épreuves spécifiques dont la particularité les rend peu compatibles avec un contrôle terminal, comme l’EPS par exemple.
Concernant le Plan étudiants, la FSU considère qu’il tourne le dos à la démocratisation de l’enseignement supérieur. Le gouvernement a choisi le sous-investissement afin de généraliser progressivement la sélection. En effet, le plan ne permettra pas de faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants (40 000 par an). En STS par exemple, seules 7 000 places supplémentaires en 5 ans sont prévues ; or sur 115 000 bacheliers professionnels qui souhaitent une poursuite d’études, seuls 53 000 trouvent une place dans le supérieur, dont 37 000 en STS. Les fonds débloqués pour le quinquennat correspondent tout juste à ce qui est nécessaire pour financer sur
une année de quoi maintenir les conditions actuelles d’encadrement, déjà nettement insuffisantes.
Le nombre de licences en tension va donc augmenter, la hiérarchisation des universités et l’exclusion des bacheliers technologiques et professionnels se renforcer. Les réorientations permettant souvent un rebond d’étudiants qui sont à la recherche de leur « voie » seront rendues plus difficiles encore. De plus, les licences pour lesquelles la demande dépasse les capacités d’accueil pourront sélectionner leurs étudiants, ce qui risque d’ouvrir la voie à la sélection généralisée à l’ensemble des licences. Les dispositifs d’accompagnement (remises à niveau, parcours spécifiques, …), sans moyens dédiés, ne sont que des pis-aller dès lors que le choix
d’orientation est réduit.
De plus ces dispositifs ont un air de déjà vu puisqu’ils avaient été déjà été en partie prévus en 2013 mais pour la plupart abandonnés, faute de moyens pérennes. On imagine assez bien ce qu’il en sera de ceux qui sont présentés comme nouveaux. Faut-il rajouter également que face à la croissance des effectifs aucune création de postes d’enseignants-chercheurs n’est budgétée ?
Les modifications prévues en amont du bac ne manquent pas non plus de nous inquiéter, notamment parce qu’elles écartent les psy-EN au profit de professeurs principaux qui voient leur rôle croître. Ce plan malgré la communication qui l’accompagne, se limite en fait à une simple gestion des flux d’étudiants. Il fait l’impasse sur la cause réelle des problèmes rencontrés en fin d’année dernière : le manque de places dans l’enseignement supérieur, notamment à l’université.
Nous le disons avec force, l’orientation scolaire est un métier à part entière et est de nature tout à fait différente de l’orientation professionnelle.
En outre, les dispositifs prévus ne sont pas adaptés aux Terminales professionnelles organisées en semestre, avec de longs PFMP en cours d’année.
Enfin, nous terminerons cette déclaration par la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
« Un seul leitmotiv doit s’imposer : la finalité essentielle de l’éducation et de la formation est plus que jamais de préparer au mieux les jeunes à l’insertion professionnelle, quel qu’en soit le niveau. » Ce n’est pas le MEDEF qui est à l’origine de cette phrase, mais l’association « Régions de France », dans son dossier de presse de rentrée et dont François Bonneau est le président par intérim.
Au risque de nous répéter, nous reprenons la citation d’Édouard Herriot dans la circulaire du 4 décembre 1926 : « En droit, l’ouvrier est aussi un citoyen et un homme. Comme tel, il n’est pas un moyen mais une fin ; il doit non seulement être capable de produire, mais aussi de penser ; il a droit à la culture par laquelle on devient homme, c’est-à-dire un être libre ».
À rebours de cette conception humaniste, les 18 propositions de Régions de France confirment que le choix politique des régions est bien, de ne considérer la formation initiale que comme une préparation des jeunes à un emploi immédiat et inévitablement local, quelles qu’en soient les conséquences pour l’avenir. On est frappé par les absences de ce texte : aucune référence au principe républicain d’égalité, encore moins d’égalité des droits, aucune référence à la formation du citoyen ou de la citoyenne, aucune référence à la culture, celle dont Malraux disait qu’ « elle est
l’héritage de la noblesse du monde » et qui permet aux futur-e-s citoyens et citoyennes de devenir des hommes et des femmes libres, ce qui dans un contexte de recul de la participation aux élections et de progression de l’extrême droite interpelle fortement.
L’apprentissage continue à être présenté comme l’alpha et l’oméga de la formation
professionnelle. Nous en reparlerons au moment d’aborder la carte des formations. Les critiques que nous avons déjà formulées à son encontre restent valables. Nous le disons à nouveau, l’apprentissage est ségrégatif et discriminatoire en plus d’être inégalitaire. L’entrée en apprentissage est en général synonyme de fin de cursus de formation initiale, ainsi toute la communication de la région autour des parcours du CAP au master en apprentissage est trompeuse.
Cette obsession à vouloir tout miser sur l’apprentissage ouvre grand la porte au patronat pour qu’il puisse réduire la formation des jeunes à son seul besoin.
À ce propos nous continuons à dénoncer l’entrisme de ce même patronat et de son idéologie grâce à des opérations telles que les mini-entreprises ou « les boss invitent les profs ». Si il est tout à fait concevable que les élèves reçoivent un enseignement en cours de technologie ou d’économie sur la vie et le fonctionnement d’une entreprise, considérée comme un collectif de travail, ce n’est pas le but de ces opérations où l’entreprise est réduite à son chef d’entreprise ou éventuellement au « top management ». L’idéologie de l’entreprenariat qui est distillé au cours de ces opérations représentent pour nous une atteinte au principe de laïcité.
Par ailleurs, nous avons appris récemment la tenue d’un colloque sur le lycée et le CFA du futur qui s’est tenu le 17 mars dernier. Là encore, il a été fait peu de cas des grands principes républicains ou éducatifs, le monde de la start-up semble désormais l’horizon. À la lecture des actes de colloques, nous sommes stupéfaits par la vision de l’avenir des lycées porté par la région.
Au travers des aspects bâtimentaires, il s’agit d’obliger les enseignants à transformer leurs pratiques et leurs métiers dans un sens combattu à de nombreuses reprises par la profession. Une fois de plus, c’est dans un entre-soi bien consensuel que se détermine l’avenir de nos métiers.
Madame Münch-Masset a déclaré qu’il fallait « ouvrir le champ de la réflexion avec les acteurs de la communauté éducative ». Nous sommes donc surpris que la FSU n’ait pas été invitée à ce colloque. Il est vrai que le discours que nous aurions pu y tenir aurait tranché avec le consensus ambiant qui s’apparentait plutôt à un véritable concours de poncifs, voire d’insultes envers les professeurs. Les personnels méritent mieux.
La FSU se doit encore une fois d’interpeller l’exécutif régional pour savoir s’il partage la conception particulièrement réductrice portée par « Régions de France ».
Concernant la carte des formations, sur laquelle nous reviendrons plus longuement tout à l’heure, la FSU dénonce la part trop importante consacrée à l’apprentissage. Les justifications apportées à un grand nombre d’ouverture montrent bien l’adéquationisme forcené qui préside à l’élaboration de cette carte. Il est pourtant essentiel que le service public garantisse la diversité des formations sur
l’ensemble du territoire.
Concernant le calendrier scolaire, si la décision prise dans notre académie est la bonne, nous regrettons que le rectorat ait dû compenser l’incapacité du MEN à assumer ses propres responsabilités